Sur fond de lancement de lancement de la 5G en France, Gilles Brégant, directeur général de l’ANFR, a répondu aux questions d’Univers Freebox. Le gendarme des ondes en France revient notamment sur les autorisations délivrées aux opérateurs, la stratégie de Free dans la 5G, les craintes autour de cette nouvelle technologie et l’évolution des mesures du DAS sur les smartphones.
(Univers Freebox ) : En plein lancement de la 5G en France, l’ANFR doit délivrer de nombreuses autorisations à Orange, Free, Bouygues et SFR. Au 27 novembre, 15 901 sites 5G ont été autorisés. Comment est absorbé cet afflux de demandes, en parallèle de celui pour la 4G, pour ne pas allonger les délais de délivrance et permettre aux opérateurs de déployer rapidement leurs réseaux ?
Gilles Brégant : Les échanges engagés avec les opérateurs ont permis de distinguer rapidement deux cas : les nouveaux systèmes (nouvelles fréquences, modifications d’antennes, etc.) ou les mises à jour d’émetteurs existants.
Les nouveaux systèmes sont surtout apparus après l’attribution aux opérateurs des fréquences de la bande 3,5 GHz en novembre. Le flux des demandes hebdomadaires reçues et traitées par l’ANFR a cru d’environ 25 %. Malgré cette augmentation significative, le délai de traitement classique des demandes, qui est de 4 à 5 semaines, n’a pas été modifié. Ceci a été possible grâce à un processus d’autorisation bien rôdé, à des outils informatiques robustes et aux échanges d’information rapides avec les parties prenantes (affectataires concernés et opérateurs).
Les mises à jour, quant à elles, concernent l’introduction de la 5G dans les bandes basses (700 MHz et 2100 MHz) sans modification des paramètres de diffusion (même site, même puissance, mêmes fréquences). En identifiant bien ces cas dans le flux des autorisations, ces demandes 5G « simples », bien que très nombreuses, ont pu être traitées plus facilement par toutes les parties prenantes.
Ces demandes concernent d’ailleurs plusieurs bandes de fréquences (700, 2 100 et 3 500 MHz), certaines offrant plus de couverture et d’autres davantage de débit. Les opérateurs devront d’ailleurs être transparents à ce sujet pour éviter les déceptions côté abonnés. Pouvez-vous donner des ordres d’idée concernant les avantages/inconvénients de chacune ?
La bande 700 MHz est la bande la plus basse utilisée par les réseaux mobiles. Elle est particulièrement intéressante pour sa portée et nécessite donc moins de sites d’émission pour couvrir une zone. Elle a aussi l’avantage de bien pénétrer dans les bâtiments. En revanche, sa capacité en débit restera limitée avec des tailles de blocs de fréquences ne dépassant pas 10 MHz dans chaque sens.
La bande 2100 MHz, plus élevée dans le spectre, offre un débit légèrement plus favorable pour les opérateurs qui ont obtenu des blocs allant jusqu’à près de 20 MHz. Néanmoins, la portée et la pénétration dans les bâtiments est moins favorable que la bande 700 MHz.
Enfin, la nouvelle bande 3,5 GHz va permettre d’augmenter sensiblement les débits disponibles, avec des blocs de fréquences beaucoup plus larges (70 à 90 MHz, bidirectionnels). En revanche, comme on monte encore dans le spectre, la portée de ces fréquences est un peu plus faible, de même pour la pénétration indoor. C’est pour cela qu’elles seront exploitées avec des antennes actives, qui permettent, en focalisant mieux l’émission, de reconstituer une couverture comparable à celle de la gamme pivot pour les réseaux mobiles (1800 MHz).
Avec déjà 11 770 autorisations obtenues pour la bande 700 MHz, Free compte utiliser massivement celle-ci pour déployer sa 5G. Est-ce un choix judicieux à l’heure du débat “vraie/fausse 5G” ?
C’est une stratégie de lancement d’opérateur, mais le déploiement de la 5G se fera sur plusieurs années. Il faudrait en savoir plus pour pouvoir l’analyser. En tout état de cause, aucun opérateur ne déploiera dans une seule bande de fréquences. Ils utiliseront plusieurs bandes aux propriétés différentes, qui leur permettront d’optimiser leurs réseaux en fonction des caractéristiques de la zone à couvrir. Par ailleurs, il faut garder à l’esprit que les téléphones portables compatibles 5G peuvent utiliser ces différentes bandes de fréquences simultanément, selon les besoins en débit et l’état de la couverture dans une bande donnée à un endroit donné : dans une zone où un opérateur dispose de 5G dans plusieurs bandes, l’agrégation de celles-ci permettra d’offrir à l’utilisateur des débits améliorés.
Plusieurs municipalités freinent des quatre pieds pour le déploiement de la 5G sur fond de craintes sanitaires et environnementales, réclamant de ce fait un moratoire. Quel est votre avis sur la situation ?
La 5G est une technologie plus moderne, qui améliore des limitations identifiées au fil de l’exploitation des technologies antérieures : d’un point de vue technique, elle n’apporte que des avantages. Mais comme toute nouvelle technologie, elle suscite des interrogations sur son utilité, dans un contexte où les évolutions technologiques vont de plus en plus vite et où le numérique prend une part de plus en plus importante dans nos vies. Plutôt qu’un moratoire, un débat public et de la pédagogie sur ce qu’est vraiment la 5G peuvent favoriser une approche constructive sur ce que cette nouvelle technologie peut apporter à la société. Ce sont les usages que la société en fera qu’il faut étudier : beaucoup des évolutions d’usage que l’on présente comme propres à la 5G sont en réalité parfois déjà possibles, voire présents avec la 4G. Dans le cadre de ces débats publics, l’ANFR intervient à la demande des municipalités pour apporter des éléments objectifs, notamment sur les aspects liés au contrôle de l’exposition aux ondes et au fonctionnement du réseau 5G.
Un rapport de l’Anses sur les risques sanitaires liés à la 5G est attendu au premier trimestre 2021. Pourtant, cela n’a pas empêché le lancement de la 5G. Que pourriez-vous dire aux plus inquiets concernant l’exposition aux ondes ?
Tout d’abord, il faut garder à l’esprit que l’Anses publie régulièrement une étude par an en moyenne sur l’exposition du public, depuis plusieurs années. Il est logique qu’elle en ait publié une en 2020 sur la 5G, qui était apparue lors des premiers tests de terrain, et qu’elle poursuive en 2021. Il est même vraisemblable qu’elle approfondisse les années suivantes, au fil du déploiement de la 5G. Ces études de l’Anses montrent que la vigilance de notre agence sanitaire nationale s’exerce régulièrement sur l’exposition du public, et c’est au contraire plutôt rassurant.
Actuellement, la 5G est déployée par les opérateurs sur 2 types de bandes de fréquences : les bandes dites « basses » qui sont déjà utilisées pour les technologies 2G/3G et 4G, et la nouvelle bande 3,5 GHz.
Sur les bandes basses, de nombreuses études concernant les effets sanitaires liés aux ondes ont été menées depuis plusieurs dizaines d’années et l’Anses n’a pas identifié de risque avéré lié à ces ondes dès lors que les limites d’exposition sont respectées, ce qui est largement le cas en France.
La nouvelle bande 3,5 GHz est quant à elle déjà utilisée dans certaines zones en France pour l’accès à l’internet fixe ; elle est également très proche des bandes déjà utilisées depuis plusieurs années par les réseaux 4G (2,6 GHz) et les réseaux Wi-Fi (2,45 GHz et 5 GHz) : il n’y a pas véritablement d’inconnue et les études faites sur ces bandes de fréquences vont être précisées pour la bande 3,5 GHz.
En complément, l’ANFR va augmenter sensiblement, à la demande du ministre Cédric O, ses contrôles en matière d’exposition du public aux ondes avec le déploiement de la 5G. Elle le fera pour ce qui concerne l’exposition liée aux antennes 5G avec 10 000 mesures prévues en 2021, mais également pour ce qui concerne l’exposition générée par les nouveaux téléphones portables 5G, avec un doublement des contrôles en 2021 par rapport à 2019. Ces informations seront bien entendu comme toujours transmises à l’Anses, pour nourrir son évaluation scientifique.
Plus que les antennes, ce sont les smartphones que l’on porte à proximité de son corps qui exposent le plus aux ondes. Toutes les mesures que nous faisons sont totalement transparentes et sont disponibles sur notre site auprès du public.
Des capteurs autonomes ont été déployés dans trois grandes villes (Nantes, Marseille et Paris), afin de suivre l’évolution de l’exposition aux ondes, avec une carte en ligne pour consulter les historiques de mesures. Doit-on s’attendre à un déploiement massif en 2021 sur fond de craintes autour de la 5G, dans le but de répondre à certaines inquiétudes ?
L’ANFR déploie sur quelques grandes villes des capteurs fixes qui permettent de recueillir en temps réel le niveau d’exposition global à proximité d’une antenne 5G. Au départ, il s’agissait d’une démarche de l’ANFR, pour améliorer sa capacité de prédiction de l’exposition : le champ dû à la 5G en bande 3,5 GHz dépend en effet du nombre de téléphones capables de l’utiliser, et ce parc mettra plusieurs mois à se constituer. Il n’est donc pas possible, contrairement à ce qui se passe avec la 4G, d’avoir le niveau d’exposition dès l’allumage de l’antenne : en 5G, il faut de nombreux téléphones autour pour qu’elle atteigne son niveau de référence. L’objectif est donc de mieux comprendre l’impact du déploiement de la nouvelle bande 5G sur l’exposition globale. Mais c’est aussi un dispositif supplémentaire de surveillance et de transparence, qui peut s’avérer utile pour les collectivités. Celles-ci peuvent d’ailleurs compléter ce dispositif si elles veulent disposer d’un plus grand nombre de capteurs couvrant leur territoire.
Précédemment, vous nous aviez dit que la mesure du DAS sur les smartphones devait évoluer avec la 5G. Vous avez d’ailleurs acquis un banc d’essai pour affiner les protocoles de mesure. Pouvez-vous nous en dire plus ?
L’ANFR va recevoir le nouveau banc de mesures dans les prochains jours. Il s’agira de faire des études sur les téléphones en général pour augmenter l’expertise de l’ANFR, qui est en pratique quasiment la seule administration en Europe à réaliser des mesures de DAS régulières sur des téléphones. Avec la 5G dans la bande millimétrique, les mesures de DAS vont évoluer car, les ondes pénétrant moins dans le corps, on ne fera plus de mesure en volume avec le DAS (W/kg), mais en surface, en mesurant la densité de puissance (W/m2). Ce banc de mesures permettra aussi d’analyser l’effet sur l’exposition des nouvelles fonctions des téléphones 5G, comme l’utilisation simultanée de plusieurs fréquences.
Comment est d’ailleurs intégrée une potentielle marge d’erreur lors des mesures pour être sûr certain que l’appareil se retrouve bien dans les clous ?
Les mesures sont réalisées par des laboratoires accrédités. Tous les appareils critiques sont notamment étalonnés, ce qui signifie qu’il y a une comparaison des résultats des mesures de l’appareil avec ceux issus d’étalons reconnus scientifiquement au niveau international.
Toujours en parlant de DAS, des smartphones sont épinglés pour non-respect des seuils en vigueur. Certains sont retirés du marché, mais la plupart font l’objet d’une mise à jour logicielle déployée par le constructeur pour abaisser la puissance d’émission. Comment cela se répercute-t-il concrètement sur la qualité de réception de l’appareil ? N’est-ce finalement pas double peine pour l’utilisateur avec un appareil se retrouvant à capter moins qu’initialement ?
Une baisse de la valeur du DAS pour un téléphone ne signifie pas en principe une baisse de la qualité de réception du signal. En effet, le correctif peut baisser la puissance maximale du signal en émission, mais il peut également mieux en gérer le rayonnement en tirant parti de ses différentes antennes. Il faut aussi garder à l’esprit que, la plupart du temps, le smartphone ne fonctionne pas à son DAS maximum : le fait que cette valeur maximale revienne dans les limites de la norme n’a donc pas en principe d’impact pour la grande majorité des usages.
À l’heure où l’on pousse le reconditionnement des smartphones, comptez-vous également vous pencher sur d’anciens modèles plus ou moins populaires qui n’auraient pas déjà été testés et qui seraient passés sous les radars ?
Les contrôles de surveillance du marché ne peuvent, conformément à la réglementation, être réalisés que dans le cadre de la première mise sur le marché d’un équipement. Les téléphones reconditionnés s’apparentent à des téléphones d’occasion et ne peuvent donc plus être contrôlés par l’ANFR