Retour sur notre entretien avec Xavier Niel lors du lancement de la Freebox Pop le 7 juillet dernier. Le fondateur de Free se penche sur l’importance de la 5G et la stratégie de Free. Des déclarations qui font sens dans le climat actuel.
Sous le feu des projecteurs, la 5G fait couler beaucoup d’encre. Demandes de moratoire d’élus de gauche et écologistes, défiance et craintes sur une potentielle dangerosité, poussent aujourd’hui la cinquième génération de téléphonie mobile sur le terrain politique. Pour sa part, Emmanuel Macron reste inflexible, il faut “tordre le coup aux fausses idées” a t-il martelé récemment. Pour l’Etat, pas de débat possible, il faut lancer la 5G sans tergiverser car c’est un tournant de l’innovation. “La 5G sera déployée en pleine transparence, avec à chaque étape toutes les garanties environnementales et sanitaires”, a tenu à rassurer le chef de l’Etat.
Du côté de l’Arcep, son de cloche similaire bien que le régulateur se montre ouvert au débat. “Tous les craintes sont légitimes mais pas de nature à remettre en cause le lancement de la 5G”, a confié avant-hier Sébastien Soriano dans les lignes de la Tribune.
La 5G, c’est d’abord le projet des opérateurs. Les premières offres seront lancées à la fin de l’année après l’attribution des fréquences. De son côté, Bouygues Telecom propose de puis peu des forfaits 5G ready, sans le réseau qui va avec. Pour sa part, Free prévoit tout comme Orange de dégainer ses offres en fin d’année si tout se passe bien.
Dans une interview accordée le mardi 7 juillet à Univers Freebox en marge de la conférence de lancement de la Freebox Pop, Xavier Niel est revenu sur la feuille de route de l’opérateur et sa vision tout en se fendant d’un petit tacle ironique sur un concurrent, “je ne savais que certains opérateurs ont déployé la 5G, ils sont très forts puisque nous on n’a pas de fréquences, je ne sais pas comment ils ont fait mais cela doit être des génies”.
“On a besoin de la 5G”
Plus sérieusement, Free n’est pas de l’avis du duo Bouygues Telecom-SFR et leur demande de report de la 5G au profit de la 4G, laquelle s’est finalement soldée par un échec. Balayant d’un revers de main toute peur irrationnelle autour de cette technologie, le fondateur de Free martèle : “on a besoin de la 5G”. Et ce pour deux raisons, la première réside dans la désaturation des réseaux 4G, “on consomme toujours plus de débit et pour cette consommation supplémentaire, on a besoin de spectre pour avancer, pour déployer”. Le deuxième élément mis en exergue par le magnat des télécoms, “l’attractivité de la France” d’un point de vue industriel. Xavier Niel prend l’exemple d’une société asiatique souhaitant par exemple investir en Europe. « Si à ce moment là, vous avez une carte où tous les pays ont la 5G sauf la France, l’investisseur pourrait se dire la France n’est pas un pays top moderne et ce n’est pas là que je souhaite investir. »
“On a eu un long débat autour de la 5G, c’est un rendez-vous important pour Free, pour le secteur des télécoms mais surtout pour notre économie. Vous savez que les fréquences 5G ont été attribuées dans tous les pays du G7, dans la plupart des pays de l’OCDE et la France ne doit pas prendre de retard”, A pour sa part soutenu début septembre sur BFM Business, le directeur général d’Iliad, Thomas Reynaud.
A l’instar de la position ferme de Stéphane Richard, PDG d’Orange, il est donc nécessaire selon Free de déployer rapidement un réseau 5G qui fonctionne sur le territoire. « On déploie, on ne fait pas de marketing, on ne fait pas de tests, on n’affiche pas trois antennes pour faire genre dans un coin, notre nature à nous c’est de déployer un réseau et de l’allumer » confie Xavier Niel. Autrement dit, si Free ne dispose pas d’autant de stations expérimentales que ses rivaux, cela ne l’empêche pas de déployer massivement son réseau, en fibrant la quasi-intégralité de ses sites. Dans l’ombre, sans campagne de communication, chaque chose en son temps.
« On fera de la 5G en 1800 MHz et 700 MHz si on a du spectre disponible »
On le sait la 5G, apportera réellement une augmentation en matière de débit chez le grand public seulement à partir de 2023 quand cette technologie fonctionnera de manière autonome sur un coeur de réseau 5G. Pour Xavier Niel, « la plus grosse révolution sur la 5G, ce sera de rajouter des fréquences supplémentaires et d’en obtenir, c’est l’appel d’offre du mois de septembre pour la bande 3,5 GHz. Donc après oui, on fera de la 5G en 1800 MHz et 700 MHz si on a du spectre disponible ». Pour autant, il ne faut pas l’oublier, « le vrai spectre pour faire de la 5G c’est le 3,5 Ghz », poursuit le fondateur de Free qui n’exclut donc pas d’utiliser des fréquences 4G pour la nouvelle génération de téléphonie mobile.
Une cohabitation qui techniquement commence à montrer le bout de son nez. Début mai, Univers Freebox vous a révélé la volonté de l’opérateur d’installer la toute nouvelle gamme de station de base de son équipementier Nokia connue sous le nom d’AirScale – qui permet à la fois de capitaliser sur la nouvelle génération des réseaux 5G et de supporter la 4G/LTE sur une même infrastructure radio. Enfin, on le sait, les fréquences comme la 700 MHz feront l’objet d’une harmonisation à l’avenir, puisqu’il s’agit pour l’Europe des bandes qui devraient permettre l’explosion de la 5G. Une aubaine pour Free qui déploie à tour de bras cette fréquence, a contrario de ses rivaux. De quoi couvrir plus rapidement le territoire en 5G, avec des débits certes plus faibles et un spectre plus limité sur la 4G. De son coté, SFR demande une clarification et une discussion avec les pouvoirs publics sur l’utilisation de basses fréquences. Selon son directeur général, Grégory Rabuel, il ne s’agirait alors que d’une étiquette 5G sur de la 4G. Il faudrait alors prévenir les consommateurs.
Vers un encadrement pour éviter toute publicité trompeuse sur la 5G
Pour éviter les dérives dans la communication autour de la 5G et les plaintes qui pourraient en découler du côté des consommateurs, le gouvernement souhaite poser un cadre clair pour les opérateurs. Un groupe de travail va ainsi être mis sur pied sous l’égide de la DGCCRF. Bouygues Telecom et SFR, ainsi que l’association de consommateurs UFC-Que Choisir, ont déjà confirmé en être.
La 5G initialement proposée par les opérateurs reposera sur un coeur de réseau 4G et ne sera donc pas optimale. La vraie 5G, soit la 5G avec un coeur de réseau autonome et la latence réduite attendue par les entreprises, ne devrait en effet pas émerger avant 2023. Les fréquences utilisées ont également un impact sur les débits. La bande de fréquences 700 MHz que prévoit d’utiliser Free assurera une meilleure couverture, mais n’offrira pas les même débits que la bande de fréquences 3,4-3,8 GHz.
En somme, il s’agit d’avoir une certaine transparence concernant la technologie utilisée et les débits auxquels peut prétendre le consommateur.